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Proposition du MNC-L à la relance du dialogue inclusif et global entre les congolais
 
                       
(par Francois Lumumba)
 
Le 19 avril 2002, le gouvernement de la République Démocratique du Congo(RDC) et un mouvement rebelle, le mouvement pour la libération du Congo(MLC), ont signé un accord pour le partage du pouvoir. Quelques partis politiques de l'opposition non armée et certains délégués de la société civile ont accepté d'apporter leur caution à ce partage du pouvoir.
 
L'accord a été conclu en marge des négociations du dialogue inter congolais de Sun City (Afrique du Sud).Le principal point d'accord, tel qu'il a été indiqué par les partenaires, concerne essentiellement le partage du pouvoir ; à savoir le maintien du
Président KABILA comme chef de l'Etat et la nomination du dirigeant rebelle, Jean Pierre BEMBA, en qualité de Premier Ministre durant la période de transition. Toutes les autres questions essentielles, notamment leurs attributions respectives, la mise en place d'autres institutions, la durée et les règles constitutionnelles de la transition, ainsi que les élections ont été renvoyées aux éventuelles négociations ultérieures.

 
Le rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), certains partis de l'opposition non armée (UDPS, PALU , MNC-L, FONUS, G14 etc.) et quelques délégués de la société civile n'ont pas souhaité ratifier un compromis non inclusif et dangereux pour la stabilité de la transition et qui consacre la partition du pays.

 
Sans adhérer tous à une plate forme politique, les délégués opposés à l'accord partiel de Sun City continuent d'exiger la reprise du dialogue intercongolais. Malgré le nombre de délégués de la société civile et de l'opposition politique qui ont décidé d'adhérer à l'accord conclu entre le gouvernement et le MLC, celui-ci constitue un encouragement a la poursuite de la guerre dans la région et une défiance à l'égard de la communauté internationale et du peuple Congolais.

 
De cet accord vont découler plusieurs conséquences néfastes pour la RDC : Il y a d’une part une menace pour les institutions futures de transition. L'accord de Sun City a été conclu en dépit du bon sens. Les signataires n'ont pas pris en compte deux règles jugées fondamentales pour la stabilité des institutions de la transition : la prise de décisions par consensus et le principe de l'inclusion tant dans les négociations que dans les institutions à venir.

 
La règle du consensus avait été adoptée par toutes les parties congolaises pour garantir que les points de vue de tous les participants au dialogue intercongolais seront pris en compte. C'est l'application consensuelle de cette règle qui avait évité que le gouvernement, le RCD et le MLC, parce qu'ils ont des armes et des ressources financières énormes, s'imposent et dictent leur volonté aux autres composantes.

La seconde règle ignorée par les signataires de l'accord de Sun City est celle de l'inclusion. Elle a pourtant été initiée par le Gouvernement et validée par toutes les composantes. C'est pour assurer l'application de ce principe que le gouvernement s'était retiré des négociations d'Addis-Abeba. Les délégués du gouvernement avaient estimé que certains groupes congolais n'avaient pas été invités au dialogue. Ils ont soutenu que ces groupes, même minoritaires par ailleurs, pouvaient légitimement rejeter les institutions 
de la transition faute d'avoir été associés au dialogue. Dans le même ordre d'idée, le chef rebelle Jean-Pierre BEMBA n'avait pas voulu assisté à la séance d'ouverture des négociations de Sun City en l'absence des délégués de la composante «opposition politique non armée». Après avoir prêché le consensus et l'inclusivité du dialogue, le refus du gouvernement et du MLC de s'y conformer au moment d'établir le nouvel ordre politique dévoile déjà la volonté de se maintenir ou d'arriver au pouvoir en violation de toutes 
les règles consensuellement adoptées.

 
Par ailleurs, le fait de renvoyer les négociations pour la détermination des attributions respectives des institutions de la transition aux seuls signataires du compromis de Sun City, fait courir à la transition des risques majeurs. Le premier risque est d'introduire dans le nouvel ordre politique congolais la règle de la prise du pouvoir par les armes. En effet, en violant les règles consensuellement admises pour la gestion de la transition, le gouvernement et le MLC ont démontré qu'ils sont prêts à utiliser le coup de force chaque fois qu'ils seront mis en minorité.

Ensuite, rien ne démontre que les résolutions qui n'ont pas encore été possibles dans le cadre du dialogue intercongolais, plus global et bénéficiant de la caution de la communauté internationale, les soient lors des négociations internes caractérisées par la course au pouvoir et les règlements des comptes.

 
L'intégration de différentes factions armées au sein d'une armée nationale et républicaine, les inévitables procédures judiciaires pour crimes de guerre ou économiques constituent autant de questions essentielles à la stabilité du processus de transition. Ces questions ne peuvent pas être laissées à la seule appréciation des deux belligérants qui ont déjà usé des armes pour la conquête du pouvoir.

D’autre part, il y a le danger de poursuite de la guerre. Le dialogue inter-congolais est une des recommandations des accords de Lusaka. Il a été initié, organisé et financé par la communauté internationale pour soutenir la mise en place de nouvelles institutions en RDC, première étape vers le retour à la paix  à la stabilité dans la région des grands lacs africains.

En renvoyant les pourparlers sur les institutions de la transition dans un cadre dominé par le partage du pouvoir, l'accord de Sun City occulte les causes de la guerre en République Démocratique du Congo et ne peut donc y apporter un remède.

 
Les signataires du compromis partiel de Sun City ont délibérément fait l'impasse sur lesimplications régionales du conflit. Ils ont d'une part surestimée leur capacité à transcender les inévitables querelles pour le partage du pouvoir et d'autre part sous-estimé la nécessité d'un accord global et inclusif prenant en compte les impératifs de la paix régionale. Tout ceci pourra perpétuer la guerre avec risque de la consolidation de la partition de la RDC.

 
Enfin, l’accord de Sun City constitue une défiance à l'égard du peuple congolais et de la communauté internationale. Pour promouvoir la paix durable dans la région, le peuple congolais et la communauté internationale ont apporté un soutien déterminant aux acteurs politiques congolais. Ces derniers ont donc une obligation morale d'édicter des règles constitutionnelles et de mettre en place des institutions qui ne soient pas contraire aux principes régissant un Etat de droit qui garanti la transparence de la gestion d'affaires publiques ,l'égalité de chance , la justice sociale et l'alternance politique, caractéristiques d'un Etat moderne surtout en cette période de mondialisation.

 
En concluant l'accord de Sun City, réduit au seul partage du pouvoir entre les signataires, le gouvernement de la RDC et le MLC ont marqué leur défiance à l'espoir du peuple congolais et de la communauté internationale dans le processus du dialogue intercongolais. En manifestant ainsi leur volonté de débattre des questions essentielles en dehors des accords de Lusaka, ils ont voulu s'affranchir du regard intransigeant et des exigences de la communauté internationale en matière de démocratie, du respect des 
droits de l'homme, de la paix régionale etc. Le peuple congolais et la communauté internationale sont-elles prêts à avaliser des règles qui, parce que prises dans un contexte de partage du pouvoir, menacent l'unité nationale, constituent une source d'exclusion des minorités et maintiennent les causes de l'insécurité des pays de 
la région ?(Illustré ces derniers temps par les événements de Kisangani et Ituri......)

 
En conclusion, nous recommandons que :
 
- Le dialogue inter congolais  reprenne sous un format différent, plus réduit avec des dispositifs plus flexibles et plus pratiques sous la supervision de la communauté internationale : ONU, OUA.

En effet, les questions essentielles n'ayant pas encore été traitées de façon satisfaisante; en l’occurrence le nouvel ordre politique, l'unification de l'armée, le calendrier et la gestion de la transition.(voir annexes III), les signataires de l'accord partiel et les non-signataires devraient impérativement relancer le dialogue intercongolais sur la base du compromis entre les synthèses des plans Mbeki I et MBEKI II.
 
Ces plans sont constitués des différentes propositions du Président Thabo Mbeki amendées et enrichies par les apports des différents délégués et composantes au DIC ; Lesquels propositions ont abouti après  plusieurs consultations  à une série des convergences sur les questions fondamentales à l'ordre du jour et une synthèse des positions de certaines composantes (sauf le MLC) consécutives à la mise en commun, des contributions des ces différentes composantes présentes au DIC à Sun City par opposition à l'accord cadre conclu entre le gouvernement Congolais et le MLC.(voir annexes II )

 
Il est indispensable de ramener le plus rapidement possible les partisans de l'accord de Sun City sur la table de négociation pour empêcher les non-signataires de radicaliser leur opposition à l'accord. C'est la seule manière de préserver et d'accroître les chances d'un accord global dans le cadre du dialogue intercongolais pour l'avènement d'un Etat de droit au Congo. Il devient donc  nécessaire d'encourager une véritable négociation entre les pays de  la région sur les questions sécuritaires et économiques au cœur du conflit congolais. En particulier, le moment est venu de parler de la sécurité immédiate du Rwanda, c'est à dire du désarmement des milices Hutu rwandaises présentes sur le territoire de la RDC, mais aussi de la sécurité du Congo, c'est à dire du retrait des troupes de 1'Armée patriotique  rwandaise (APR) de ce même territoire.

 
Il est aussi temps de parler de la sécurité globale de la région ainsi que le retrait de toutes les troupes étrangères de la RDC, c'est à dire de la reconstruction d'un Etat au Congo en rétablissant les droits et devoirs de souveraineté de cet Etat.

 
La coordination de ces différents aspects du processus de paix, indispensable dès qu'un accord politique  sera trouvé, pourrait être assurée par un envoyé spécial de haute stature du  Secrétaire général des Nations unies.
 
Son mandat serait de :
 
- 1) Superviser l'application d'un accord inclusif pour la transition politique;

 
- 2) Mener à bien les négociations politiques sur la question des groupes armés;
 
- 3) Assurer la coordination entre les différentes institutions des Nations unies impliquées dans la résolution des conflits rwandais et congolais (TPIR, MONUC, panel des experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles en RDC) ;
 
- 4) Etablir l'architecture et le cahier des charges d'une conférence régionale permanente pour la paix et la sécurité dans les Grands lacs, concluant l'établissement des pactes de non-agression entre le Congo et ses voisins. D'où la nécessité des pré-accords tenant compte des intérêts de tous les protagonistes pour accélérer l'adoption d'un accord global et définitif.

Pour le MNC-L
 
François Emery Tolenga Lumumba
 
Président National