lumumba

LE POTENTIEL Edition n°2379 du mardi 20 Novembre 2001
François Lumumba : la commission belge s'est arretée à mi-chemin !
(Jonas-E. Kota)
M. François Tolenga Lumumba, président national du Mouvement National Congolais/Lumumba et fils aîné de feu Patrice Emery Lumumba, s’est exprimé lundi 19 novembre 2001 sur les antennes de Rfi pour donner son point de vue sur le rapport de la commission parlementaire belge d’enquête sur les conditions d’assassinat de feu son père. Tolenga a commencé par remercier et saluer le courage de la Belgique qui, contrairement à d’autres pays, a décidé de fouiller dans son passé. Notant que la diplomatie belge s’en sort grandie, François Lumumba estime, cependant, que la commission s’est arrêtée à mi-chemin en reconnaissant la responsabilité morale de la Belgique plutôt que politique.; Ci-dessous l'interview qu'il a accordé à Radio France Internationale

Question: Vous êtes le fils aîné de M. Patrice Emery
Lumumba assassiné le 17 janvier 1961 au Katanga, une
province qui était à l’époque sécessionniste. Après un
an et demi des travaux, la commission parlementaire
belge vient de conclure à Bruxelles avec une
responsabilité morale dans cette élimination.
Qu’est-ce que vous avez ressenti en accueillant cette
nouvelle?

 F. Lumumba: On attendait plus qu’une simple
condamnation morale. Malheureusement, ils se sont
arrêtés à mi-chemin.

 Question: Donc pour vous cette reconnaissance de la
responsabilité morale de la part de la Belgique n’est
pas suffisante?

 F. L.: Non, ce n’est pas suffisant du tout. Il y a eu
des dossiers. Il y a des correspondances de l’époque,
des livres sortis aujourd’hui  qui prouvent
suffisamment que la Belgique officielle savait qu’en
transférant Patrice Lumumba au Katanga il serait
assassiné.

 Question: Des parlementaires belges jusqu’au
gouvernement ou certains de ses membres n’ont jamais
ordonné une quelconque élimination physique de Lumumba
et il n’ y a pas eu préméditation d’assassinat ni de
le faire assassiner. N’est-ce pas une façon de
minimiser le rôle qu’a joué la Belgique?

 F.L.: Bien entendu, c’est clair. C’est pour cela
qu’on s’étonne qu’ils aient eu le courage d’ouvrir
cette enquête, mais qu’ils s’arrêtent à mi-chemin,
alors que au regard de certaines correspondances de
l’époque et des archives, il y a eu des
correspondances entre Bruxelles, Léopoldville et le
Katanga. Et puis au Katanga, c’étaient les adversaires
de Patrice Lumumba. Et personne ne peut ignorer le
rôle que le gouvernement belge a joué pour
déstabiliser le gouvernement de Patrice Lumumba avec
toutes les conséquences que nous avons vécues plus
tard.

 Question: Vous pensez que le gouvernement actuel
belge craint de devoir rendre compte au peuple
congolais?

 F. L.: Je ne peux pas savoir exactement ce que, à
l’heure actuelle, le gouvernement belge pense de la
conclusion de la commission de l’assassinat du Premier
ministre Patrice Lumumba; il y aura au début de la
semaine prochaine un débat parlementaire sur le sujet
et on va savoir davantage.

 Question: La Belgique n’est pas le seul pays à avoir
des responsabilités dans l’assassinat de votre père?

 F. L.: Oui, bien entendu, la Belgique n’est pas le
seul. Tout le monde le sait, c’était l’époque de la
guerre froide. Beaucoup de pays occidentaux n’avaient
pas intérêt à voir évoluer un régime patriotique
progressiste à Kinshasa. Et, tout régime patriotique
et progressiste était assimilé au communisme; c’est
qui n’était pas le cas. D’où il y a eu une alliance
sacrée contre le gouvernement de Lumumba.

 Question: Quels autres pays, selon vous, portent une
responsabilité dans l’assassinat de Lumumba?

 F. L.: Globalement, je peux dire que les pays
occidentaux ont une responsabilité sur l’assassinat de
Patrice Emery Lumumba. Mais seulement il reste à
savoir quel est le degré d’implication de chacun. Il y
a des pays qui se sont impliqués directement et
d’autres indirectement. Mais, je crois que il y a
beaucoup de documents d’archives qu’on peut fouiller
davantage pour avoir des informations.

 Question: Vous avez des exemples, les Etats-Unis?

 F. L.: Je crois qu’il y a eu plusieurs écrits. Vous
savez que la CIA, en ce qui concerne la mort de
Patrice Lumumba, a eu beaucoup d’ouvrages. Mais
jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu d’enquêtes comme
en Belgique pour en savoir davantage sur le degré
d’implication des autorités américaines de l’époque.
 Question: Vous aimeriez que des pays comme les
Etats-Unis fassent ce que la Belgique vient de faire?

 F. L.: En tant que fils, c’est normal  de savoir
davantage dans quelles circonstances notre père était
assassiné. Et en tant que patriote congolais ça fait
partie de notre histoire. Nous avons toujours intérêt
à en savoir davantage.

 Question: Justement, l’élimination de Patrice Lumumba
était un coup terrible porté aux Congolais et aux
Africains. Vous avez dû entendre ces paroles des
milliers de fois. Votre famille et vous-même vous avez
été touchés dans votre propre chair. Que comptez-vous
faire?

 F. L.: Face à cette conclusion, la famille Lumumba se
donne un délai de réflexion pour communiquer sa
position dans un bref délai.

 Question: Avez-vous l’intention de demander des
dédommagements à la Belgique?

 F. L.: Il ne faut pas qu’on discute sur notre
décision. Tout d’abord, la famille doit se réunir et
examiner les décisions de la commission d’assassinat
de Patrice Emery Lumumba. Après on sera en mesure de
communiquer notre point de vue là-dessus. Et bien
entendu nous devons aussi consulter nos avocats et
certains amis pour voir quelle position adopter.


 Question: Est-ce que la famille Lumumba va réfléchir
en coordination avec le gouvernement congolais?

 F. L.: Pas nécessairement,  Patrice Lumumba est mort
pour un Etat de droit, pour la démocratie. Il sera
bien honoré si, un jour, un gouvernement légitime et
démocratique s’intéresse à ce dossier.